24 juin 2024 - Christophe Plotard
Évolution de la radiance détectée par pays entre 2022 et 2023
Réduire l’éclairage pour consommer moins d’énergie. C'était, fin 2022, l’un des principaux mots d’ordre des plans de sobriété promus par le gouvernement français. L’étude des images satellites nocturnes permet de constater non seulement que cet appel a été massivement suivi d’effet, mais que la France a même été la championne du monde de la réduction des émissions lumineuses l’an dernier.
Entre 2022 et 2023, les niveaux de radiance (rayonnement lumineux émis depuis le sol) détectés par satellite ont ainsi baissé de 25,4% en France métropolitaine.
C’est ce qui ressort de l’analyse des données annuelles collectées par le capteur satellitaire VIIRS.
Cette diminution massive est principalement le résultat des mesures d’extinction ou d’abaissement de l’éclairage public mises en œuvre par de nombreuses collectivités locales dans le contexte de la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine.
Les données satellites analysées ne concernent cependant que les émissions lumineuses détectées en milieu de nuit, c’est-à-dire aux horaires de passage des satellites. Elles ne permettent pas d’évaluer les niveaux d’éclairage à d’autres périodes, en particulier les extrémités de nuit (soirée et petit matin) qui constituent les créneaux horaires où le nombre de sources lumineuses allumées est maximal.
Comme en France, plusieurs autres pays européens ont également connu des baisses importantes de leurs niveaux de radiance en 2023 : -23,4% en Andorre (2e du classement mondial), -18,9% en Belgique (4e), -15,1% au Luxembourg (6e), environ -14% en Lituanie (8e) et Estonie (9e), -9,4% en Pologne, -8,4% en Suisse...
Ailleurs dans le monde, les plus fortes baisses ont été constatées principalement dans des pays touchés par des guerres ou de graves crises : Soudan (-19,8%), Yémen (-14,7%), Haïti (-8,2%).
Au total, entre 2022 et 2023, seuls 18 pays ou territoires ultramarins ont enregistré une baisse supérieure à 5%, et seuls neuf ont vu leurs émissions lumineuses diminuer de plus de 10%.
A l’inverse, les niveaux de radiance détectés par satellite ont progressé dans la plupart des zones du monde en 2023, en particulier dans les pays émergents : +19,2% en Indonésie, +13,3% au Brésil, +11,4% au Mexique, +10,3% en Inde, +7,1% en Chine...
En Europe, hormis le cas particulier de l’Ukraine qui s’est en partie « rallumée » (+25,3%), les plus fortes hausses ont été constatées en Islande (+35,9%) et en Scandinavie (+19,8% en Norvège, +12,3% en Suède). Ces évolutions doivent toutefois être abordées avec prudence, car la couverture neigeuse et les aurores boréales dans ces pays peuvent amplifier la radiance perçue par satellite.
Dans l’outremer français, enfin, la tendance est à la hausse presque partout, notamment en Polynésie (+7,8%), à Mayotte (+9,6%) et surtout en Nouvelle-Calédonie (+24,5%).
Les évolutions à l’échelle d’une seule année peuvent toutefois ne pas être représentatives de mouvements de long terme. Pour mieux appréhender des tendances plus structurelles, les données satellitaires de 2023 ont donc été comparées également à celles de 2014.
Verdict : en dix ans, la radiance détectée a baissé de 38,4% en France métropolitaine.
Est-elle une nouvelle fois championne du monde ? A première vue, non : sept pays ont fait « mieux » au cours de cette période. Mais tous connaissent des contextes particuliers qui rendent la comparaison délicate, voire peu pertinente : activité volcanique au Vanuatu (-90,3%), superficie très réduite du Vatican (-46,2%), guerres et crises majeures au Yémen (-46,1%), en Ukraine (-45,8%), au Liban (-43,5%), en Haïti (-40,6%) et au Venezuela (-38,8%).
Quant à la France, une partie importante de la baisse observée sur dix ans a été réalisée en 2023, et pourrait donc être imputée aussi à un contexte de crise conjoncturelle, en l’occurrence celle de l’énergie. Néanmoins, avant 2023, une tendance structurelle à la baisse était déjà observée, avec des diminutions régulières chaque année (sauf en 2017). Il faudra donc sans doute attendre les données annuelles de 2024 pour voir un éventuel rebond ou au contraire une consolidation de l’évolution constatée en 2023.
En attendant, la comparaison des données de 2014 et 2023 permet d’identifier plusieurs autres mouvements notables à l’échelle mondiale. Parmi les baisses, on peut notamment citer celle constatée aux Pays-Bas (-37,3% en dix ans), principalement liée à la diminution de l’éclairage des serres agricoles depuis 2022 (pour des raisons liées, là encore, aux prix de l’énergie).
A l’inverse, la majeure partie des pays du monde ont connu au cours des dix dernières années des augmentations de leurs émissions lumineuses. Les plus importantes concernent les pays émergents et en développement : on note par exemple des hausses de 84,2% en Chine, 80% en Inde, 87,3% en Turquie, 68,7% en Iran, 109,7% en Thaïlande...
Dans les pays les plus développés, les progressions les plus fortes sont constatées à nouveau en Scandinavie, avec +73,9% en Norvège, +67,4% en Finlande ou +55,1% en Suède. Là encore, des analyses plus poussées s’avéreraient toutefois nécessaires pour déterminer le rôle de l’enneigement et des aurores boréales dans ces évolutions.
Au global, dans l’ensemble des pays du monde, la radiance détectée par satellite a augmenté de 6% entre 2022 et 2023, et de 30% au cours des dix dernières années.